Dossier : la biodynamie
Introduction
Stéphanie Goffin, Biowallonie
La biodynamie est un mode de production qui occupe une place particulière dans l’agriculture biologique. Les agriculteurs biodynamiques et biologiques ont en commun d’être des agriculteurs de la vie. Si ces deux modes de production ont, de ce fait, plusieurs points communs (soins aux matières organiques, rotations plus longues, désherbage mécanique ou thermique, culture de légumineuses, …), la biodynamie se veut plus globale en intégrant dans la vision de l’agriculture – en plus de la terre et des animaux – l’influence des astres. Autrement dit, l’agriculture biodynamique est une agriculture biologique, avec des conceptions et des pratiques spécifiques que nous décrirons dans ce dossier.
Nous remercions Peter Van Mol pour sa généreuse collaboration à ce dossier.
Technique
Stéphanie Goffin, Biowallonie
Qu’est-ce que la biodynamie ? Qu’est ce qui la différencie de l’agriculture biologique ?
Un peu d’histoire…
Les bases de la biodynamie ont été posées en 1924 lors du « cours aux agriculteurs » donné par Rudolf Steiner, fondateur d’un courant de pensée : l’anthroposophie. Ce cours décliné en 8 conférences faisait suite à la demande de nombreux agriculteurs inquiets de constater une dégénérescence de leurs semences, une baisse de la qualité des aliments produits, une perte de fertilité dans leur cheptel, des épidémies de fièvre aphteuse, … Depuis 1924, l’agriculture biodynamique a connu un rapide développement, d’abord en Allemagne, ensuite en Suisse, puis aux USA, aux Pays-Bas et dans de nombreux autres pays. Aujourd’hui, l’agriculture biodynamique poursuit son extension sur tous les continents, du Brésil à l’Inde (plus de 250.000 agriculteurs biodynamistes) en passant par l’Europe, les États-Unis, le Canada, le Japon, l’Afrique, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Chili, etc. En Wallonie, on dénombre une dizaine de fermes qui respectent les principes de la biodynamie, dont deux sont certifiées Demeter (voir « Quelques informations sur le label Demeter »).
La biodynamie, qu’est-ce que c’est ?
Selon Jean-Michel Florin, coordinateur du Mouvement de l’Agriculture Biodynamique (MABD-France), nous pouvons définir en quelques mots l’agriculture biodynamique comme suit : «L’agriculture biodynamique est une agriculture assurant la santé du sol et des plantes pour procurer une alimentation saine aux animaux et aux hommes. Elle se base sur une profonde compréhension des lois du vivant acquise par une vision qualitative/globale de la nature. Elle considère que la nature est actuellement tellement dégradée qu’elle n’est plus capable de se guérir elle-même et qu’il est nécessaire de redonner au sol sa vitalité féconde indispensable à la santé des plantes, des animaux et des Hommes grâce à des procédés thérapeutiques». De par cette définition, nous pouvons déjà constater l’une des distinctions que les agriculteurs biodynamistes souhaitent faire par rapport à leurs confrères biologiques : selon eux, l’agriculture biologique permet de maintenir la santé actuelle des sols en ayant recours à des techniques qui ne la dégradent pas, sans pour autant viser à améliorer cette santé en ayant recours à des procédés thérapeutiques spécifiques à l’agriculture biodynamique.
Parmi les pratiques spécifiques à l’agriculture biodynamique, retenons :
1) La conception de la ferme comme un organisme agricole diversifié et autonome.
Cette conception vise à faire cohabiter dans un équilibre harmonieux les plantes, le sol et les animaux. Cet équilibre harmonieux repose sur la diversité. Cette manière d’aborder la ferme permet de diminuer au maximum, voire de supprimer, les intrants dans l’exploitation. Ce principe s’oppose diamétralement à l’industrialisation de l’agriculture qui a imposé aux fermes de se spécialiser un maximum avec pour conséquence une disparition de leur autonomie. En effet, ces exploitations spécialisées dépendent d’intrants, soit pour la fertilisation de leur sol, soit pour l’alimentation de leurs animaux. En biodynamie, on cherche à faire cohabiter les animaux, le sol et les cultures dans un équilibre bien déterminé et économiquement viable. Le nombre d’animaux sera, par exemple, déterminé en fonction (i) des surfaces de culture disponibles pour produire les aliments nécessaires à l’élevage et également (ii) des surfaces qui pourront recevoir pour unique fertilisant les déjections de cet élevage. Il est important d’assurer un cycle quasi fermé c’est-à-dire en toute autonomie par rapport aux apports extérieurs. Le nombre de bêtes n’est donc pas calculé pour produire les quantités maximales sur l’exploitation, mais pour produire des aliments de qualité à moindre coût, indépendants des intrants extérieurs.
2) Elaboration et utilisation de préparations biodynamiques
Une des particularités de la biodynamie, c’est de confectionner et d’utiliser des préparations spécifiques permettant de fortifier les plantes et le sol, ou encore d’améliorer le compostage des matières organiques. Ces préparations sont tout à fait naturelles, à base de bouse de vache, de silice ou de plantes médicinales. On distingue les préparations biodynamiques à pulvériser (2 différentes) de celles à utiliser pour le compostage (6 différentes). Dans les préparations biodynamiques à pulvériser, l’une est utilisée pour vivifier le sol et la partie souterraine de la plante et l’autre pour vivifier la partie aérienne de la plante. Il s’agit respectivement de la bouse de corne dite préparation « 500 » et la silice de corne dite préparation « 501 ». La bouse de corne favorise une bonne structure du sol, stimule l’activité microbienne et la formation d’humus. Elle renforce également la croissance des racines en favorisant leur développement en profondeur, rendant ainsi les plantes moins vulnérables aux épisodes de sécheresse. La silice de corne améliore le métabolisme de la lumière des plantes et leur apporte de la vigueur. Elle freine une luxuriance trop importante et favorise la structure des plantes qui deviennent plus résistantes aux maladies, plus spécifiquement aux maladies cryptogamiques. Les préparations pour le compostage visent à améliorer ce phénomène en tentant de réduire la montée en température, les pertes de substance en améliorant la conservation des nitrates et des phosphates. Les 6 préparations sont soit à base d’achillée millefeuille, de camomille, d’ortie, d’écorce de chêne, de pissenlit ou de valériane. Les 6 préparations doivent être mises simultanément dans le compost.
3) Travailler avec les rythmes cosmiques
L’agriculture biodynamique apporte une attention particulière à l’influence des astres tels que la lune sur la terre. La force exercée par la lune sur la terre s’exprime indubitablement lors des marées, mais son influence sur les plantes ne fait pas toujours l’unanimité. L’influence planétaire est un domaine d’ailleurs complètement laissé de côté par la science traditionnelle. Or, les plantes sont composées de beaucoup d’eau et dès lors l’influence des astres sur les plantes (mais aussi sur les animaux) est pleinement considérée en biodynamie pour semer, planter, soigner et récolter.
Les travaux de Maria Thun montrent d’ailleurs l’effet des planètes sur la croissance des plantes, sur les rendements, sur la conservation, … Suite à ses recherches, Maria Thun a mis au point un calendrier de semis qui constitue un outil de travail pour les biodynamistes. La parution de celui-ci est annuelle. Evidemment, les indications données par le calendrier doivent toujours rester secondaires par rapport aux obligations du travail agricole qui est directement lié aux conditions climatiques.
En quelques lignes, le calendrier de semis définit des jours « feuille », « fleur », « fruit » ou « racine ». Tous les mois, la lune passe devant les 12 constellations du zodiaque. Maria Thun constate des variations morphologiques, avec des parties de la plante qui sont plus ou moins stimulées selon la constellation du zodiaque devant laquelle la lune passe.
Selon la partie de la plante qui est utilisée et valorisée, les plantes cultivées devront être semées et soignées préférentiellement soit aux jours « feuille », « fruit », « fleur » ou « racine ». Par exemple, une plante dont on récolte le fruit ou la graine (typiquement les légumineuses, les céréales et tous les fruits), sera semée préférentiellement lorsque la lune passe devant la constellation du Bélier, du Lion ou du Sagittaire. Par contre, une plante dont on valorise les feuilles (persil, épinard, salade) sera semée préférentiellement lorsque la lune est de passage devant la constellation Cancer, Scorpion ou Poisson.
Au-delà de ces trois pratiques spécifiques, les biodynamistes ont encore recours à d’autres techniques qui leur sont propres, notamment pour l’élevage. L’animal est véritablement placé au centre des préoccupations et son intégrité physique doit être respectée. Les biodynamistes préconisent ainsi d’élever les animaux avec leurs cornes, leur bec et leur queue. Ceux-ci doivent aussi recevoir une alimentation adaptée et à l’image de la plante entière c’est-à-dire composée de feuilles, de racines, de fleurs et de fruits (grains). Les graines seront par contre distribuées en quantité limitée car le fourrage grossier est toujours privilégié. L’ensilage est également très limité car on montrerait une relation directe entre la quantité d’ensilage ingérée et les phénomènes d’agressivité dans les troupeaux. Enfin, pour la reproduction, les accouplements naturels sont recommandés et donc la présence de reproducteurs à la ferme est nécessaire.
En conclusion, l’agriculture biodynamique est encore très peu pratiquée en Wallonie et dans le monde. C’est une agriculture qui coexiste parfaitement avec l’agriculture biologique et qui s’oppose diamétralement à l’industrialisation de l’agriculture. Elle demande d’avoir un autre regard sur l’agriculture, un changement de mentalité et une conviction profonde pour sa mise en pratique au quotidien, vu le travail supplémentaire qu’implique l’utilisation des préparations. La littérature scientifique relate encore très peu la plus-value de ce type d’agriculture par rapport à l’agriculture
biologique dont elle se rapproche fortement. Nous ferons le tour des études disponibles dans la suite du dossier.
Pour la version avec tableaux et lire la suite : https://www.biowallonie.com/agenda/itineraires-bio/
Extrait de « Itinéraires BIO », n°25, 11-12/2015